L’accès à l’eau potable, le calvaire des habitants de Bellevue-la-Montagne

27 juin 2017

L’accès à l’eau potable, le calvaire des habitants de Bellevue-la-Montagne

Adolescente puisant de l’eau à trou-d’eau (Pétion-Ville) / Crédit photo: Billy James RAYMOND
Les problèmes de déforestation, de désertification eaffectent considérablement l’hydrographie d’Haïti, provoquant le tarissement de certaines sources. C’est le cas de la 4e section Bellevue-la-montagne, dans la commune de Pétion-Ville, où les habitants vivent le cauchemar de leur vie à la recherche.
Max, un adolescent de 15 ans, part à la recherche de l’eau, accompagné de ses amis, tous les après-midis à « Galèt Mayann ». Le long chemin à parcourir pour trouver l’eau, ce précieux liquide servant tant à étancher la soif de sa famille qu’à la cuisson des aliments, est ardu. C’est sa corvée quotidienne. Ses parents étant incapables de payer le sceau d’eau qui parfois se vend à 10 gourdes, il doit, comme un animal de trait, faire des allers et retours incessants, pour apporter un peu d’eau parfois verdâtre, après une longue période sans pluie, à la maison. Sur ce chemin de douleur, on peut observer des enfants et des adultes surtout des femmes de tout âge qui se ruent vers les petites mares d’eau croupissantes. Tôt le matin mais aussi tard après la tombée de la nuit. Leur survie en dépend.
Dans la 4e section Bellevue-la-Montagne, puiser de l’eau, parfois non potable, est un véritable casse-tête. Le débit de l’eau des sources diminue gravement. Cette eau, souvent de mauvaise qualité, peut transmettre des maladies telles que la typhoïde ou la diarrhée, selon Hadson Albert Archange, un habitant interviewé. La section communale compte plusieurs sources: source Duvier, source Mathieu, source Martha, source Duval… Trois parmis celles de « Galèt Mayann » n’existent que de nom. Elles sont à sec. L’assèchement des sources d’eau laisse aux abois une population qui manque cruellement de tout pour vivre décemment.Aujourd’hui, ceux qui en ont les moyens construisent des bassins, attendent avec impatience les eaux pluviales. D’autres achètent des camions d’eau pour usage domestique ou pour les revendre. Hadson Albert, un habitant de la zone, ne voit pas trop de perspectives pour y remédier. « Cette situation a empiré depuis le 12 janvier 2010. Quand il pleut, c’est une bénédiction pour certains résidents qui sont obligés de creuser dans le sol à la recherche de l’eau », témoigne-t-il.
Pour les causes de ce problème, le directeur de l’organisme de l’État responsable du développement du secteur Eau potable et assainissement, Bénito Dumay, pointe du doigt la « coupe abusive des arbres » et « l’occupation des champs du périmètre de captage par la population ». Donc, la dégradation accélérée de l’environnement. Pour lui, il ne devrait pas y avoir de maisons ou d’activités anthropiques dans le périmètre immédiat des sources. « Les sources sont alimentées par l’eau de pluie. Mais quand il n’y a pas d’arbres autour de ces sources ni de moyens de rétention d’eau, elle va à la mère entraînant l’érosion des sols. Cela aura pour conséquence de diminuer la nappe phréatique et de provoquer le tarissement des sources », explique-t-il en fin connaisseur.À la tête de la Direction nationale de l’eau potable et de l’assainissement (DINEPA) depuis juin 2014, Benito Dumay estime que, pour réalimenter les nappes phréatiques et améliorer la qualité de l’eau, il faut tout un programme de reforestation et de conservation des sols. « L’eau est sous terre, dans la nappe, mais en quantité insuffisante pour remonter, renchérit M. Dumay qui fait parler son expérience. Une fois qu’on rétablit un périmètre de protection autour des sources, on peut avoir à nouveau de l’eau. »
Du côté du Ministère de l’environnement (MDE), le pronostic vital est engagé. Dans une étude publiée en 2015, titrée ‘« Programme aligné d’action nationale de lutte contre la désertification », il a fait savoir que la « désertification a déjà gagné l’ensemble du territoire et sous les formes très variées que sont l’érosion, la salinisation, le colluvionnement, la sècheresse et l’imperméabilisation ». Cette situation, poursuit le ministère de l’Environnement, est appelée à s’aggraver […] Plus de la moitié de la superficie d’Haïti sera en grand danger de désertification à cause de l’avancée rapide du déboisement et du changement climatique.
L’explication en lien avec les changements climatiques n’est pas à exclure de l’équation, nous dit Alexandra Destin PIERRE, cadre du ministère de l’Environnement. L’assèchement des sources pourrait s’expliquer à deux niveaux, selon elle. « Le déboisement aussi en montagne et dans les régions avoisinantes nuit à la distribution et au cycle de répartition des pluies dans la zone. Tout comme le réchauffement climatique, il peut y avoir un déséquilibre des saisons qui allonge ou réduit les périodes de sécheresse, tout comme les périodes de pluie. Ce qui ne reste pas sans conséquence sur l’environnement », a-t-elle, en effet, détaillé pour montrer le lien avec le réchauffement de la planète.Haïti éprouve encore du mal à garantir l’accès universel à l’eau potable tant en milieu urbain qu’en milieu rural. Dans les zones rurales, c’est là que le bât blesse. L’eau du robinet ne coule jamais. Selon l’Unicef, 49% de ces gens n’ont pas accès actuellement à l’eau potable. Trouver une source d’eau fiable et potable a toujours été un défi pour les Haïtiens. Toutefois, les changements climatiques et la longue période de sécheresse intervenus au cours des dernières années ont exacerbé ce problème.

 

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Commentaires

Alexandre
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Bon travail Billy , toutes mes félicitations !