De la problématique de l’éducation à plusieurs vitesses en Haïti (Partie 2)

13 février 2015

De la problématique de l’éducation à plusieurs vitesses en Haïti (Partie 2)

Crédit Photo: www.haitioutreach.org
Crédit Photo: www.haitioutreach.org

Dans la première partie de notre travail (à lire ici) nous avons commencé à partir de certains constats à formuler le problème. Mais pour continuer il devient nécessaire de  consulter un certain nombre d’ouvrages traitant d’éducation sous l’angle dans lequel nous la considérons. Voilà pourquoi nous avons entrepris de lire plusieurs auteurs dont nous présentons le contenu des travaux.

En tout premier lieu nous avons consulté Charles Tardieu. Dans son texte « L’éducation en Haïti de la période coloniale à nos jours », paru en 1980 Tardieu précise qu’avant l’indépendance il existait deux systèmes d’éducation dans la colonie. Premièrement, l’éducation formelle avec l’instruction comme pilier destiné uniquement à la formation des colons. Deuxièmement, l’éducation marron qui s’adressait clandestinement et qui était une éducation contradictoire articulée autour du vodou et du syllabaire…

Après l’indépendance, Tardieu souligne qu’il existait des disparités colossales entre les privilégiés et la masse malgré le fait qu’il y a eu des efforts significatifs sous Dessalines avec une politique publique de l’éducation limitée dans le temps faute d’argent.

Pour Tardieu, avec le concordat de 1860 qui a vu l’octroi à l’église catholique de la possibilité de s’occuper de l’éducation en Haïti, ceci donnera au clergé catholique l’occasion de renforcer le système d’éducation en faveur de l’élite haïtienne. Il relate que le système est mu par des contradictions  dès sa genèse dont il faut tenir compte.

Selon Tardieu il y a eu une différenciation entre les écoles des milieux urbains et celles des milieux ruraux. Cela a duré jusqu’en 1978 où les écoles en milieu urbain dépendaient du ministère de l’éducation nationale et des écoles rurales  dépendaient du ministère de l’agriculture. Avec la loi du 7 mars 1978 les deux écoles urbaines et rurales ont pu être unifiées. Mais l’auteur précise que cette union ne produisait pas l’effet escompté car au lieu d’une école nouvelle et unique, on a assisté à un désagrément des structures existantes par manque de budget et d’encadrements appropriées.

 

Edner Brutus, pour sa part, dans son texte intitulé « l’instruction publique en Haïti » précise que l’organisation de l’éducation dans la colonie  en deux systèmes ainsi faite était réfléchi et conscient. Il écrit : « Vis-à-vis de la grande foule noire, le colon demeura intraitable son ignorance  était une fatalité économique et la sauvegarde d’un ordre.»

Apres l’indépendance, Edner précise que dans le Nord Henri Christophe a fait appel à l’Angleterre pour assurer l’éducation avec la méthode lancastérienne en Haïti ce qui n’a pas trop intégrée les masses selon l’auteur.

Brutus précise que de 1804 à 1848 l’éducation restait dans le sud et l’Ouest du pays l’apanage d’une minorité malgré les efforts de Christophe dans le Nord. Par ailleurs il affirme que l’éducation n’a pas pour autant perdu son caractère aristocratique. Notre système économique qui n’a fait que changer de bénéficiaire après l’indépendance reste l’adversaire  principal de l’enseignement rural.

 

Le professeur Jean Anil Louis Juste, Pense que l’école telle qu’elle fonctionne ne vise à garantir que les intérêts d’une minorité tout en méconnaissant les besoins de la majorité. Majorité constituée par la masse paysanne à laquelle il faut montrer une quelconque supériorité d’une minorité. Il avance que l’expérience haïtienne de l’éducation est essentiellement discriminatoire dans la mesure où elle ne vise qu’à la formation d’une élite intellectuelle. Il soutient par ailleurs que l’éducation est conçue comme l’une des sphères de la reproduction socio-politique dont l’Etat dispose en sa faveur. Il écrit : « L’élitisme éducatif est une orientation pédagogique qui vise la reproduction des inégalités sociales crées depuis l’appropriation privée des terres au lendemain de l’indépendance. »

Ces travaux nous permettent de prolonger les constats faits en apportant des éléments prouvant que notre système n’est pas uniformisé.  Si tel est le cas nous pouvons nous amener à nous demander en quoi ce système éducatif à plusieurs vitesses contribue-t-l à diviser le pays ? Ou encore entrevoir les multiples conséquences que cela a sur le quotidien de nos enfants. Ou encore, détecter les mécanismes de fonctionnement et bien d’autres interrogations encore. Je me propose donc de continuer dans un prochain billet.

Textes consultés

1.-Brutus, Edner, Instruction publique en Haïti, Atelier Fardin, Port-au-Prince 1979.

2.-Louis Juste, Jean Anil, De la crise de l’éducation à l’éducation de la crise en Haïti, la presse de l’imprimeur de Port-au-Prince, 2003

3.-Tardieu, Charles, l’éducation en Haïti de la période coloniale à nos jours, imprimerie Henry Deschamps.

© Billy

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Commentaires

Exume Fleurimond
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Merci,ca me fait Plaisir de voir un jeune haitien anime d'une intention forte ,celle de participer dans la constructon du monde tout en visant l'exellence.